Le niveau du chômage a encore battu des records historiques le mois dernier, avec 3,189 millions de demandeurs d’emploi. L’INSEE prévoit une croissance économique nulle pour 2013. Et face à l’ampleur du marasme économique, François Hollande et le gouvernement Ayrault semblent tétanisés, incapables à la fois de proposer de véritables réformes structurelles, et de desserrer le corset des plans d’austérité dont même le FMI souligne le caractère contre-productif dans des périodes de forte récession. Rien d’étonnant que selon le dernier baromètre IPSOS du 30 mars, seuls 30% des Français disent encore faire confiance au président de la République. C’est la plus faible popularité d’un Président au bout de 10 mois d’exercice.
Cependant, ne nous méprenons pas. Cette défiance n’est pas uniquement liée à la crise économique, ou à la présidence de François Hollande. Elle est bien plus profonde et traverse durablement la société française. Depuis plus de trente ans, les enquêtes internationales montrent que les Français se défient beaucoup plus de leurs institutions, de leurs entreprises et syndicats, et même de leurs concitoyens que la plupart des habitants des autres pays de l’OCDE. La défiance est au c½ur de notre mal. Elle détruit inexorablement notre lien social. Elle résulte d’un cercle vicieux qui nous distingue des autres pays. Le fonctionnement hiérarchique et élitiste de l’école nourrit celui des entreprises et de l’Etat. Plus qu’ailleurs, notre école est en charge de la seule transmission du savoir au détriment de l’apprentissage de la coopération. Plus qu’ailleurs elle classe et trie les élèves. En conséquence, nos entreprises et les pouvoirs publics s’appuient surtout sur la hiérarchie pour gérer les ressources humaines.
A cette fragmentation verticale se superpose une fragmentation horizontale, caractéristique des logiques corporatistes, où chaque groupe professionnel essaye de tirer au mieux parti du bien public, le plus souvent au détriment des autres. Ne soyons pas pour autant désespérés. La défiance n’est pas immuable : les pratiques pédagogiques, la qualité des pouvoirs publics ou encore la vitalité du dialogue social peuvent réactiver la confiance. Il n’y a donc pas de fatalité au mal français.
La crise économique actuelle ne saurait masquer les causes structurelles de notre société de défiance. Elle ne saurait également servir d’excuses pour éviter de lancer de véritables réformes structurelles de notre système éducatif, de notre dialogue social ou encore de la transparence de nos pouvoirs publics. Si l’inaction demeure, la fracture entre les Français et leur gouvernement risque de se creuser à jamais.
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