Une liste de politiques fraudeurs du fisc transmise à la justice:
PARIS (Reuters) - Un ancien cadre de la banque suisse Reyl & Cie, qui abritait le compte de Jérôme Cahuzac, a annoncé mercredi devant une commission parlementaire avoir transmis à la justice une liste d'hommes politiques français détenant un compte en Suisse.
Pierre Condamin-Gerbier avait déjà été entendu le 13 juin à l'Assemblée dans le cadre du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale présenté après l'éclatement de l'affaire qui a entraîné la démission de l'ancien ministre du Budget.
Ce témoin clé de l'affaire Cahuzac avait alors dit qu'une quinzaine de personnalités politiques françaises, dont un ministre en exercice, avaient pratiqué l'évasion fiscale, sans toutefois citer de noms.
"La liste et les éléments d'information dont j'ai fait état depuis plusieurs semaines ont été transmis hier, dans leur grande majorité, à la justice française", a-t-il précisé mercredi pour justifier son refus de répondre à des questions plus précises.
Il a précisé qu'il ne s'agissait pas d'une liste à proprement parler mais de dossiers techniques "dont l'écheveau pour les enquêteurs est très complexe".
"Je peux simplement dire aujourd'hui qu'il y a dans cette liste de très grands noms de la politique française, des gens que l'on est habitué à voir sur les écrans de télévision", avait-il dit à la mi-juin au Journal du dimanche.
Pierre Condamin-Gerbier, qui dit craindre pour sa sécurité et celle de sa famille, s'est également confié fin mai au site d'informations Mediapart.
Le parquet de Paris a ouvert le 31 mai dernier une information judiciaire notamment pour blanchiment de fraude fiscale visant la banque suisse Reyl & Cie.
DEMANDE D'ENTRAIDE MAL FORMULÉE
Après sa filiale française, la maison mère du groupe bancaire suisse UBS a été parallèlement mise en examen en France début juin pour "démarchage bancaire illicite".
Devant la commission d'enquête, Pierre Condamin-Gerbier a expliqué qu'il n'avait pas cru immédiatement, début décembre, à une affaire Cahuzac.
Mais qu'il avait changé d'avis en lisant le 13 décembre 2012 dans la presse suisse que l'interlocuteur présumé de l'ancien ministre sur un enregistrement diffusé par Mediapart était Hervé Dreyfus, le demi-frère de Dominique Reyl.
"Au moment où je lis cet article, je comprends qu'il y a une affaire Cahuzac", a-t-il dit en s'étonnant que les services français n'aient pas de leur côté immédiatement réagi.
Il a précisé avoir été entendu sur cette affaire à la mi-février par la police judiciaire française à Annecy.
L'ancien cadre bancaire a étayé les soupçons de membres de la commission d'enquête se demandant si le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, n'avait pas effectué une demande d'entraide volontairement restrictive auprès de la Suisse pour essayer de blanchir Jérôme Cahuzac.
Selon lui, cette demande a été mal formulée, ce qui a permis à la Suisse de dire que Jérôme Cahuzac n'avait pas détenu d'avoirs chez UBS en Suisse entre 2006 et 2010.
Or, les enquêteurs pensent que le compte a été ouvert en 1992 dans l'agence UBS de Genève et que les fonds ont été transférés à la fin des années 1990 chez Reyl, avant d'être déplacés en 2009 à Singapour.
"Je pense que M. Cahuzac était confiant dans le fait qu'en posant les mauvaises questions, on avait les mauvaises réponses", a dit Pierre Condamin-Gerbier, pour qui "il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir".
Gérard Bon, édité par Yves Clarisse